Compil’ Veille juridique 2019

SUP’

Recrutement

Un président d’université ne peut pas s’opposer à la poursuite du recrutement d’un enseignant-chercheur dès lors que le conseil d’administration a émis un avis favorable.

Un maître de conférences s’était porté candidat à un concours de recrutement ouvert par l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon pour pourvoir un emploi de professeur des universités au sein du département où il exerçait. Le comité de sélection en charge du recrutement l’avait classé premier sur la liste des candidats. Cependant, alors qu’un avis favorable avait été porté sur cette liste par le conseil d’administration de l’INSA, le directeur de cet établissement a interrompu la procédure de recrutement et a déclaré le concours infructueux, invoquant une délibération irrégulière du comité de sélection. Le Conseil d’Etat annule la décision du directeur en statuant que : « s’il est toujours loisible au président de l’université, ou au directeur de l’établissement, lorsqu’il estime la procédure de recrutement d’un enseignant-chercheur irrégulière, de demander au conseil d’administration de délibérer à nouveau sur l’avis motivé du comité de sélection ou de faire part de ses observations sur la procédure au ministre chargé de l’enseignement supérieur à l’occasion de la transmission du nom du candidat ou de la liste arrêtée par le comité de sélection, aucune disposition ni aucun principe ne l’investit du pouvoir de ne pas donner suite à une procédure de recrutement d’un enseignant-chercheur lorsque le conseil d’administration a émis un avis favorable ». Cette possibilité a existé (article L. 952-6-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2007). Cependant, cette disposition, supprimée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’ESR, ne s’applique plus. Conseil d’Etat, 18 septembre 2019, n° 422962.

Détachement – Intégration nouveau corps

Conseil académique, demande d’intégration, l’appréciation souveraine, non susceptible d’être discutée au contentieux.

Un administrateur de l’INSEE détaché dans le corps des professeurs des universités avait sollicité, à la suite de sa qualification à ces fonctions, son intégration dans ce même corps. Le président de son université d’accueil l’avait informé, par un premier courrier, que le conseil académique réuni en formation restreinte avait émis un avis défavorable à son intégration et qu’il continuait d’être placé en position de détachement. Après le rejet de son recours gracieux, l’intéressé demandait l’annulation de cette dernière décision. Le tribunal administratif a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions de l'article 58-4 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 (dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférence) et du IV de l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation que « l’intégration des fonctionnaires détachés dans le corps des professeurs d’université étant subordonnée à l’avis favorable du conseil académique, un avis défavorable du conseil académique mettant un terme à une demande d’intégration dans le corps des professeurs d’université d’un fonctionnaire détaché dans ce corps a un caractère décisoire ». Le tribunal a également rappelé le principe selon lequel l’appréciation souveraine portée par le conseil académique, réuni en formation restreinte, sur les mérites scientifiques et pédagogiques d’un fonctionnaire qui, placé en position de détachement en qualité de professeur des universités, demande à être intégré dans ce corps n’est pas susceptible d’être discutée au contentieux. T.A. Pau, 18 juin 2018, n° 1700964

Enseignants-chercheurs, rapprochement de conjoints, avis du conseil académique.

Souhaitant bénéficier d’un rapprochement de conjoint, un professeur des universités en géographie à l’université Paris-VIII a présenté sa candidature à la mutation sur des postes vacants en géographie à l’université de Nice Sophia Antipolis. Pour les deux postes, le conseil académique a décidé de ne pas retenir sa candidature au titre du rapprochement de conjoint. Pour le premier, il a en outre transmis la candidature au comité de sélection ; pour le second poste, le comité de sélection avait auparavant décidé de ne pas auditionner le professeur de Paris-VIII. L’intéressé fait un recours.

Comme tous les fonctionnaires, les membres de l’enseignement supérieur ont toujours pu demander à bénéficier des priorités en matière de rapprochement de conjoints définies par le statut général (art. 60 de la loi du 11 janvier 1984). Mais, « aucune disposition législative, ni aucun principe général ne donnent aux intéressés le droit d’obtenir une mutation dans un délai déterminé » (Conseil d’Etat, 20 novembre 1989, n° 55427). Il en est toujours ainsi, même si depuis 2014, le décret statutaire du 6 juin 1984 prévoit une procédure dérogatoire pour faciliter les rapprochements de conjoints : les demandes de mutation ou de détachement ne sont pas alors examinées par un comité de sélection mais par le conseil académique en formation restreinte (L.712-6, IV) qui transmet le nom du candidat sélectionné au conseil d’administration (art. 9-3) ; en cas d’avis défavorable, nécessairement motivé, la candidature non retenue doit alors être examinée avec les autres candidatures par le comité de sélection selon la procédure de droit commun (art.9-2).

Le conseil académique en formation restreinte, compétent pour permettre le rapprochement de conjoints, vérifie l’adéquation du profil de l’enseignant-chercheur et du profil du poste. Cette procédure (prévue par l’article 9-3 du décret de 1984 modifié en 2014) n’est pas exclusive et doit être combinée avec la procédure de droit commun prévue à l’art.9-2, la constitution d’un comité de sélection. C’est ce que rappelle le Conseil d’État. En l’espèce, la haute juridiction constate que les délibérations du conseil académique ont été suffisamment motivées car elles ne se sont pas bornées à indiquer que la candidature n’est pas retenue. Le Conseil d’État précise qu'« aucun texte ni aucun principe n’impose que, dans le cadre de la procédure définie par l’article 9-3 du décret du 6 juin 1984, le conseil académique soit tenu de désigner deux rapporteurs chargés d’établir un rapport de présentation sur le profil du candidat et son adéquation au profil du poste ».

S’agissant de la deuxième affaire, la candidature du professeur de Paris-VIII est examinée dans un second temps par le comité de sélection qui décide de ne pas procéder à son audition. Le Conseil d’État annule cette décision (et par voie de conséquence le décret de nomination du candidat retenu) pour manque à l’obligation d’impartialité. En effet, les pièces du dossier contiennent plusieurs éléments (plainte contre X pour fraude à concours publics, échange de courriels contenant des critiques sévères sur la précédente procédure de recrutement) caractérisant une « dégradation particulière et récente relations personnelles » du candidat avec le président du comité de sélection. Le fait qu’il ait en outre été désigné comme rapporteur, qu’il ait émis à ce titre un avis défavorable à son audition et pris part au vote, a entaché cette délibération d’irrégularité. Conseil d’Etat, 19 décembre 2018, n° 408616 et n° 412540.

Enseignement supérieur - Déontologie

Impartialité des membres des comités de sélection des enseignants-chercheurs, Avis du collège de déontologie de l’ESR.

Le collège de déontologie de l’ESR a, dans un avis publié au BO le 21 février, formulé plusieurs recommandations afin de permettre aux membres des comités de sélection des enseignants-chercheurs de discerner les situations dans lesquelles leur impartialité vis-à-vis des candidats ne serait pas assurée. Le collège donne une grille d’aide à la détection des situations de partialité en fonction des liens professionnels, hiérarchiques, intellectuels ou encore personnels pouvant exister avec le candidat. Ainsi être le subordonné d’un candidat, avoir été le directeur de thèse ou entretenir un lien proche de parenté font obstacle à la participation à un jury. En revanche, avoir été le supérieur hiérarchique du candidat ou avoir organisé des manifestations intellectuelles avec lui ne suffit pas à remettre en cause l’impartialité. Avis du 14 décembre 2018, NOR ESRH1900028V

Enseignement supérieur – Chercheurs

Les fonctionnaires chercheurs bénéficient d’un dispositif facilitant leur participation au monde de l’entreprise.

L’article 119 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) modifie le livre V du code de la recherche afin de simplifier les règles s’appliquant aux fonctionnaires chercheurs lorsque ces derniers souhaitent participer à la création ou au développement d’entreprises du secteur privé. C’est ainsi que les procédures d’autorisation de création d’entreprise, de concours scientifique, de participation au capital d’une entreprise et de participation aux conseils de gouvernance d’une société sont allégées. Les autorisations ne sont plus délivrées après avis de la commission de déontologie de la fonction publique mais par l’établissement employeur du chercheur.

Enseignement supérieur – Enseignant-chercheur – Réintégration anticipée - Disponibilité

Demande de réintégration anticipée d’un professeur des universités en position de disponibilité pour convenances personnelles.

Un président d’université avait refusé la réintégration anticipée d’un professeur des universités dans l’emploi qu’il occupait dans cet établissement avant sa mise en disponibilité pour convenances personnelles. Le professeur demandait l’annulation de cette décision. Le Conseil d’État a rappelé le principe selon lequel, comme tout fonctionnaire, « un professeur des universités qui sollicite, auprès du ministre chargé de l'enseignement supérieur, sa réintégration à l'issue de la période de mise en disponibilité pour convenances personnelles, ou sa réintégration anticipée avant cette date, a droit d'être réintégré dans son corps d'origine, à l'une des trois premières vacances d'un emploi de son grade, sous réserve de la vérification de l'aptitude physique de l'intéressé à l'exercice de ses fonctions et du respect par celui-ci, pendant la période de mise en disponibilité, des obligations qui s'imposent à un fonctionnaire même en dehors du service ». Le Conseil d’État a ensuite précisé les conditions de mise en œuvre, pour les enseignants-chercheurs, de ce droit à réintégration après disponibilité au regard de l’articulation des compétences détenues par le ministre et le président ou directeur d’établissement public d’enseignement supérieur qui résulte de la délégation de pouvoirs. Il a, ce faisant, modifié sa jurisprudence antérieure qui disait que le ministre chargé de l’enseignement supérieur était seul compétent pour prononcer la réintégration d'un enseignant-chercheur après disponibilité.

Au regard de cette nouvelle répartition, le Conseil d’État a jugé que le président d’université est ainsi compétent pour se prononcer sur les demandes des enseignants-chercheurs en position de disponibilité qui sollicitent leur réintégration sur un poste de l’établissement dont il assure la direction dans lequel ils étaient affectés avant leur mise en disponibilité. Le Conseil d’État a ensuite précisé que le président de l'université, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués, peut légalement « opposer un refus à cette réintégration en raison d'un motif tiré de l'intérêt du service, notamment en cas d'absence, dans cette université, d'emploi vacant dans le grade sur lequel l’enseignant-chercheur pourrait être réintégré » ou, comme en l’espèce, en cas de risque de troubles au bon fonctionnement du service. La compétence des présidents d’université étant limitée au périmètre de leur établissement, il appartient au ministre chargé de l’enseignement supérieur de statuer sur les demandes de réintégration des enseignants-chercheurs dans un autre établissement que celui dans lequel ils exerçaient avant leur mise en disponibilité. Dans cette hypothèse, le ministre ne dispose pas du pouvoir de refuser une réintégration après disponibilité pour un motif autre que les deux seuls motifs prévus à l’article 49 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 qui sont la vérification de l’aptitude physique requise pour l’exercice des fonctions afférentes au grade du fonctionnaire concerné et le respect par l’intéressé, pendant la période de mise en disponibilité, des obligations s’imposant à un fonctionnaire même en dehors du service, la réintégration du fonctionnaire étant de droit sur l’une des trois premières vacances de son grade si ces deux conditions sont remplies.

Enfin, le juge administratif a rappelé que, dès lors que les compétences déléguées aux présidents des universités en matière de mise en disponibilité et de réintégration après disponibilité s’exercent au nom de l’État, l’université ne peut pas être regardée comme ayant la qualité de partie au litige. Il en a déduit que l’université ne pouvait, dans le présent litige, réclamer que soit mise à la charge du requérant le versement d’une somme en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Conseil d’Etat, 14 novembre 2018, n° 406371

Chargé d’enseignement, des contrats conclus à durée déterminée.

Ayant dispensé des enseignements pendant vingt-cinq ans au sein du département de langues étrangères appliquées (L.E.A.) d’une université sur le fondement de CDD conclus chaque année, la requérante avait demandé, en vain, au président de cette université de transformer son CDD en CDI. Par ailleurs, la directrice du département de L.E.A. avait fait savoir à la requérante qu’aucun enseignement ne lui serait confié pour l’année universitaire suivante.

S’agissant du refus de reconnaître à la requérante un droit au bénéfice d’un CDI, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé les dispositions de l’article L. 952-1 du code de l’éducation qui prévoient notamment que les chargés d’enseignement « (…) sont nommés pour une durée limitée par le président de l’université, sur proposition de l’unité intéressée, ou le directeur de l’établissement (…) ». Le Conseil d’État a jugé qu’il résulte des dispositions de cet article et de celles du décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi de vacataires pour l’enseignement supérieur que « les contrats passés par les universités en vue de recruter des chargés d’enseignement sont conclus pour une durée déterminée, le cas échéant renouvelable ». Tirant les conséquences de ce que la requérante n’était ni titulaire d’un contrat à durée indéterminée, ni réputée titulaire d’un tel contrat, mais seulement bénéficiaire d’un contrat limité à l’année universitaire en cause, le Conseil d’État a jugé que la cour n’avait pas commis d’erreur de droit en retenant que la décision de ne pas confier d’enseignements à l’intéressée pour l’année universitaire suivante ne constituait pas une mesure de licenciement mais seulement un refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée.

Enfin, après avoir rappelé la jurisprudence bien établie en la matière selon laquelle « un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat ; (…) toutefois, le refus de renouvellement d’un tel contrat ne peut se fonder que sur un motif tiré de l’intérêt du service », le Conseil d’État a jugé qu’aucun élément sérieux n’était, en l’espèce, de nature à établir l’existence d’un intérêt du service justifiant le maintien de l’enseignement de la requérante. Conseil d’Etat, 12 septembre 2018, n° 400453

Un enseignant-chercheur ne peut se prévaloir de sa liberté d’expression en cas d’atteinte à la dignité.

Le Conseil d’Etat, juge de cassation des sanctions disciplinaires rendues à l’encontre des enseignants-chercheurs, propose une différenciation plus stricte entre les propos tenus dans le cadre de la liberté d’expression des universitaires et les agissements de ces derniers susceptibles de porter atteinte à la dignité des étudiants. Il franchit une étape dans la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes à l’université. En l’espèce, un professeur en sociologie avait été sanctionné par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Grenoble-Alpes d’une interdiction d’exercer toute fonctions d’enseignement et de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de huit mois, assortie de la privation de la moitié du traitement au motif d’avoir entretenu avec ses étudiants des relations ambigües en tenant des propos à caractère sexuel dans son cours. Le Conseil d’Etat annule la décision du CNESER qui considérait que les propos et le ton de l’enseignant-chercheur n’avaient pas excédé les limites de la liberté académique. Le Conseil d’Etat considère lui que l’enseignant-chercheur a adopté lors de ce cours une attitude humiliante à l’égard de deux étudiants, laquelle a porté « atteinte à leur dignité ». En commettant une telle faute, il a alors cessé de bénéficier de la protection de la liberté d’expression. Ainsi la faute reprochée ne provient pas d’un dépassement de sa liberté académique, mais bien d’une atteinte à la dignité des usagers du service public, dont la conséquence est l’inapplication de la protection normalement garantie aux enseignants-chercheurs. Alors que le Conseil d’Etat aurait pu simplement appliquer l’article L.952-2 du code de l’éducation qui, tout en garantissant la liberté d’expression des enseignants-chercheurs, restreint son exercice, il préfère écarter radicalement l’application de cette disposition, au nom du principe de dignité humaine. Conseil d’Etat, 21 juin 2019, n°424582